"Depuis son acquisition par la Marine en 1787, l´anse de Kerhuon servait de parc au bois pour les constructions navales. Elle est fermée par une digue en 1829. "La pyrotechnie", comme on la nomme localement, a été créée à 9 km à l´est du château de Brest en 1868 sur la commune de Guipavas. Elle était reliée à la voie de chemin de fer Paris-Brest.
Un ensemble de quatre magasins à poudre nommés "poudrières" a été construit dans un vallon sur la rive ouest de la rivière Kerhuon. Ces édifices, clos individuellement par un mur de sûreté, sont quasiment identiques à ceux de la pyrotechnie du vallon du Nardouet à Cherbourg construits en 1877-1878. Ils sont les héritiers des magasins de l´île d´Arun (1693-1694) et de l´île des Morts (1808-1814).
Innovation architectonique, ces magasins sont dotés d´un sas d´entrée à chaque extrémité, de gaines de ventilation en sous-sol et de créneaux à lampe permettant de donner artificiellement de la lumière aux soutes via une chambre d´éclairage. Le plus petit magasin de la rive ouest, en mauvais état, a été récemment détruit [nous sommes en 2011] mais au moins deux des grands magasins voûtés ont gardé leurs dispositions d´origine : planchers et escaliers en chêne, lambris en châtaignier. Ils disposent toujours de huit créneaux de lampe et de trois fenêtres dotées des huisseries originelles, desservis par une chambre d´éclairage à chaque pignon. Leur couverture en tuile à deux pans et croupes sur charpente semble d´origine. La surface totale additionnée du rez-de-chaussée et de l´étage de chaque grande poudrière avoisine 800 m². Selon l´Index de la fortification française, 1874-1914, chaque magasin a une capacité de 160 t de poudre.
Les falaises du vallon de Kerhuon ont également été percées de tunnels par l´organisation Todt lors de la Seconde Guerre mondiale, afin d´y aménager des magasins souterrains. Une voie ferrée reliait les soutes à munitions de la pyrotechnie à l´aérodrome de Guipavas. Des travaux de mise aux normes de certains de ces magasins ont été réalisés en 2008 et 2009. La disposition des lieux, l´éloignement relatif des dépôts entre eux et la canalisation de l´effet de souffle (par la création de merlons pare-éclats) doit permettre d´éviter toute détonation par "influence" ou "sympathie".
Pour des raisons évidentes de sécurité et de confidentialité, la partie du site qui concentre les activités de fabrication et d´assemblage des projectiles a été installée, dès l´origine, sur la pointe appelée Saint-Nicolas à l´est de la confluence de l´Elorn et de la rivière du Kerhuon. Les manutentions ont lieu principalement par voie maritime depuis des quais spécifiques. L´orthophotographie historique de 1919 laisse apparaître plus de 80 bâtiments dont un spectaculaire alignement d´une quinzaine d´ateliers. Aujourd'hui, le site de la pyrotechnie Saint-Nicolas avoisine les 140 ha et assure la maintenance, le stockage et la délivrance des munitions et deviendra à terme le seul lieu de stockage des munitions pour la Marine en France".
(Lécuillier Guillaume, 2011).
Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.